Podcast : Christophe Bianchi, Chief Technologist de Ansys, nous parle de jumeaux numériques

Podcast : Christophe Bianchi, Chief Technologist de Ansys, nous parle de jumeaux numériques
Christophe Bianchi, Chief Technologist de Ansys

Métavers et jumeaux numériques : parle-t-on finalement de la même chose ?

C’est une très bonne question. Je vais vous exposer notre point de vue qui est réellement spécifique aux applications B2B du Métavers et des Jumeaux numériques …

Le jumeau numérique Permet de modéliser le comportement “true to physics” d’un objet étudié, en général après sa conception et pendant son utilisation.

Par exemple :
Afin d’anticiper le risque d’emballement thermique” sur les batteries de véhicules électriques ou plus simplement pour optimiser leur performance et longévité , on a besoin de savoir ce qui se passe dans chacune des 5,000 à 10,000 cellules, sans avoir à mettre des milliers de capteurs. Le modèle ou jumeau numérique permet d’intégrer un nombre quasi infini de points de mesure virtuels, et peut être calculé en temps réel, pendant l’utilisation, soit à distance (‘on the cloud’) soit en local ‘’edge computing’) afin de prendre les décisions nécessaires affectant la performance et la sécurité.

Le Métavers quant à lui correspond à un environnement de conception collaboratif qui permet de modéliser un environnement et ses interactions avec le produit en cours de conception.

Dans un certain sens, c’est une version plus généralisée de ce qui existe déjà avec les simulateurs de vol ou de conduite et ce grâce à l’accès quasi illimité à des ressources de calcul sur le cloud

En fait le Métavers utilise des jumeaux numériques et permet d’en extraire toutes les potentialités.

Un exemple est l’utilisation de cet environnement virtuel pour la planification opératoire. En préparant la pose de stent, le chirurgien 4.0 grâce à des outils de réalité virtuelle manipule une représentation 3-D personnalisée de l’aorte du patient, générée automatiquement à partir de données IrMs et peut valider la pose et le déploiement parfait du jumeau numérique du stent en en simulant l’acte chirurgical

Parlons de quelques applications, la simulation numérique par exemple. De quoi s'agit-il ?

La simulation numérique est un moyen de calculer et prédire les phénomènes physiques impactant les performances et caractéristiques de ce que l’ingénieur de conception développe. C’est ce qui permet d’apporter la Réalité dans Réalité Virtuelle et Réalité Augmentée. Sans simulation numérique, on est plus dans le domaine de la Fantaisie que de la Réalité.
Par exemple, comprendre les distorsions qu’amènent la pluie ou la neige sur la qualité des informations qu’un Lidar donne à l’algorithme de conduite de votre voiture autonome est une information essentielle que la simulation permet (sinon il faudrait tester en conditions réelles un nombre quasi infini de scenario ce qui n’est possible ni d’un point de vue économique, ni d’un point de vue technique dans des temps raisonnables de développement.
Et contrairement à un environnement de gaming comme GTA sur Playstation, la précision des modèles et de la simulation est clé car in-fine, il s’agit de garantir que l’on ne met pas en danger la vie des conducteurs et des piétons

La simulation numérique, c’est aussi ce qui vous permet de zoomer, dans votre Métavers, vers l’infiniment petit et comprendre ce qui se passe au niveau moléculaire dans le bioréacteur que vous utilisez pour fabriquer un vaccin, et vers l’infiniment grand pour « tester » de manière virtuelle le parcours de la sonde DART que la NASA a pu envoyer percuter l’astéroïde DImorphos : pas de possibilité de faire de prototype ou de test physique avant le lancement …

Qu'est-ce que la simulation numérique en 2022 par rapport aux premiers essais des années 90 ?

L’évolution la plus marquante est la prise en compte quasi systématique de ce que l’on appelle les phénomènes multi-physiques : les déformations mécaniques, l’écoulement de l’air, les gradients de température, les vibrations, etc… sont des phénomènes interdépendants et lorsque l’on veut assurer de manière certaine le comportement de ce que l’on crée, tout doit être pris en compet.

Si je veux prendre un exemple, il est extrêmement compliqué de pouvoir prédire de manière précise quel sera le son perçu à l’intérieur de votre voiture à 90km heure sous une averse, et savoir si cela affectera votre vigilance (ou la qualité d’écoute du concert en son spatialisé que vous écoutez à ce moment). Mais ce modèle est important pour le fabricant de pneumatiques et l’OEM.

Quels impacts sur les métiers ? Les ingénieurs industriels doivent-ils se reconvertir en développeurs 3D de réalité virtuelle ?

Pour les ingénieurs de conception qui utilisent ces techniques 3D, c’est juste un outil de plus qui facilité le travail collaboratif et la représentation en temps réel de l’environnement de ce sur quoi ils travaillent.

En termes de créativité et d’anticipation de modes d’utilisations futurs du Métavers, il nous reste encore à inventer plus de cas d’usage.  Mais il existe déjà en Europe de très beaux projets tels que celui de l’équipe de Abys Medical à la rochelle en chirurgie orthopédique.

Où en est-on en France et en Europe ? En avance ou en retard ?

Pour Ansys, la France est le plus gros centre de recherche hors états unis. Et notre expertise 3D et simulation visuelle et optique est majoritairement basée dans le sud de la France.
Si l’on regarde les domaines applicatifs industriels et healthcare, l’Europe est déjà très engagée dans le déploiement et l’utilisation de ces technologies.

Le métavers B2C à la Meta n'est pas pour demain. Est-ce que les orientations "pro" des casques Oculus, Apple et autres, nous montre que le métavers sera d'abord B2B avant d'être B2C... peut-être par la suite ?
Personnellement, je pense que l’on verra à court ou moyen terme une utilisation beaucoup plus large de ces casques immersifs AR/VR. Il existe un certain nombre d’applications pour lesquelles ces technologies sont très utiles (gaming, santé, visites virtuelles (musées, tourisme), éducation).
Et la technologie peut possiblement évoluer de manière radicale dans les prochaines années pour simplifier l’usage : l’équivalent de l’affichage tête haute sur nos lunettes de vue rendrait la réalité augmentée et le Métavers plus pervasifs dans le grand public.